Suite du témoignage de Marie.....

Première confrontation avec des proclamateurs

Je suis restée des années sans jamais recevoir les témoins de Jéhovah chez moi : il a fallu que je reprenne des forces morales, psychologiques et aussi spirituelles et s’il fallait encore une expression plus précise : que je construise ma personnalité, mon identité.
L’année dernière j’ai ressenti le besoin de les affronter afin d’avoir le sentiment que ma guérison était accomplie et ma nouvelle foi (reçue comme une grâce, pas acquise ni basée sur de “solides” connaissances) assez forte pour soutenir leurs arguments.
Je les ais donc reçu un jour qu’ils se sont présentés à ma porte. J’aurais eu affaire à quelqu’un de fragile que je n’aurais pas eu le cœur à le mettre mal à l’aise, mais là c’était un témoin pur et dur avec sa femme apparemment convaincue de la supériorité des principes “chrétiens” de son époux, avec pas loin de 50 ans de pratique, autoritaire et imbu de lui-même : je n’ais donc eu aucun scrupule à lui donner du fil à retordre tout en sachant pertinemment que je ne le convaincrais évidemment jamais.
Je l’ai juste fait pour moi, je l’ais pris et mené comme un jeu, uniquement pour me faire plaisir.
C’est un peu idiot, mais ça m’a fait du bien et ça n’était finalement pas si anodin que cela : j’ai pu vérifier à cette occasion que ces gens-là n’avaient plus aucun pouvoir de persuasion sur moi.

Je ne leur ais pas dit que j’avais passé 17 années chez eux, simplement je suis apparue comme une proie idéale : quelqu’un assoiffé de nourriture spirituelle - je leur ais sorti ma Bible de Jérusalem et aussi la leur “Traduction du monde nouveau”... Ils ne m’ont même pas demandé comment je me l’étais procurée...
Ils ont commencé à me prendre pour une grande naïve lorsque j’ai eu une réponse assez déconcertante quand à une de leurs questions - incontournable - qui leur sert à situer et “ferrer” la future et éventuelle victime :
- “Vous ne trouvez pas que le monde dans lequel nous vivons ne respire que le mal et que ça suffit, il faut que ça change par une intervention divine ?”
-”Ah si alors, je suis complètement d’accord avec vous : Il faut que ça change et que Dieu gagne le monde par l’Amour. Il faut que les cœurs changent et que Dieu se batte encore plus par assauts d’Amour!”

Quelqu’un qui a bien connu les Témoins imaginera sans peine la façon dont ils ont dû me regarder. Moi je me régalais. A leur mine ils étaient certainement partagés entre le fait de ne pas savoir situer si j’étais simplement très naïve ou si au contraire j’allais leur donner l’occasion d’une partie difficile. Je crois, au fil de la conversation qu’ils m’ont définie comme une pratiquante sincère (ils ont compris tout de suite que j’étais catholique) mais influencée par son interprétation catholique de la Bible - c’est à dire quelqu’un qu’on a maintenu dans l’illusion par de “fausses doctrines”.

Presque d’entrée, après avoir testé mon grand appétit biblique, le Témoin s’est présenté comme un “Exégète”, d’autorité, lorsque je lui ais dit naïvement que j’avais confiance en la traduction d’exégètes qui connaissaient sûrement très bien le grec et l’araméen et que leurs conclusions n’avaient jamais été contredites depuis presque deux milles ans (pourtant les raisons de schismes ne manquent pas quand il y a sujet à polémique !). Cette fois-ci c’est moi qui ai ferré mon Témoin. Il m’a invitée à lui faire part d’un sujet précis, s’apprêtant bien sûr à “démonter” ma vision catholique des choses - j’ai choisi celui de l’immortalité de l’âme. C’est un sujet que j’affectionne particulièrement surtout depuis que mon athée de papa est mort (lorsque j’avais 15 ans) dans un accident d’ULM, condamné selon les théories des Témoins à la “destruction éternelle” de par son refus opiniâtre et volontaire de la “Vérité”. C’est une évidence, même si ma mère a essayé de s’en sortir par une pirouette : “on ne sait pas qui sera sauvé par la résurrection, seul Dieu sonde et connaît les cœurs, juge en dernier recours”. Un peu trop facile quand on vous a soutenu mordicus pendant 17 ans, que toute refus conscient du dieu Jéhovah sera impitoyablement puni de mort au “Grand jour de Dieu le Tout-puissant”. Il faut savoir à quoi l’on croit, surtout quand on se montre d’ordinaire aussi radical dans son idéologie : on est condamné ou on ne l’est pas. Mon père était très conscient de son refus des Témoins de Jéhovah, alors pourquoi envisager une dérogation ? Ils ne se rendent même pas compte qu’ils contredisent ainsi leur théorie de la condamnation du monde “méchant” : après sondage de leur cœur, je suis sûre que la presque totalité des humains n’est pas condamnable en dépit de son refus de Dieu ou de sa Parole...Il y a forcément du bon et du “récupérable” dans le cœur de tout être humain. Encore un fois ils sont incapables de faire face à la REALITE de leurs doctrines et ne les assument pas lorsqu’on les met face à l’aberration de certaines d’entre elles.
Bref, je suis très sensible sur le sujet de la résurrection au Ciel puisque moi, j’ai toujours cru que mon père y était, loin d’avoir été condamné, mais au contraire préservé, sauvé et grandi par l’Amour de Dieu jusqu’au-delà de la vie.
Lorsque j’ai dit que j’irais au Ciel après ma mort (comme si c’était une évidence pour eux), la femme m’a regardée avec une supériorité condescendante à peine dissimulée :
“Mais vous croyez ENCORE à cela vous ?!!?”
Si je n’avais pas connu leurs réactions par cœur, je me serais sentie là comme la dernière des demeurées à croire encore au Père Noël... excellente technique de déstabilisation.
Seulement là ce n’est pas eux qui menaient la barque... Ils étaient sur mon terrain.
J’ai joué à fond la naïveté. C’est dans la Bible, non ?
Voilà que l’exégète m’amène à ce fameux passage sur l’espérance céleste (Seconde lettre de St Paul aux Corinthiens) ayant pigé tout de suite que j’avais une certaine connaissance de la Bible - on ne passe pas presque deux décennies chez les témoins pour rien ! - et espérant donc me devancer pour mieux me contrer. Il me fait lire ledit passage et m’explique que cette espérance céleste n’est pas pour tout le monde : seul un nombre réduit de personnes en fait partie et cela commence par les apôtres de Jésus auxquels, bien entendu, l’apôtre Paul s’adresse ici, dans ces versets.
Je fais alors remarquer à mon interlocuteur que l’apôtre Paul, dans ce passage avait l’air de partager une espérance, non pas avec des apôtres, mais des gens sans grande prétention : les Corinthiens seulement.
Il parle d’une même espérance pour tous et là ça n’est certainement pas aux apôtres qu’il s’adressait par cette lettre, mais bel et bien aux Corinthiens, ceux-là même à qui il reprochait dans sa première lettre (11, 17-22) de vivre dans la scission et la division au sein même de la communauté chrétienne et qui faisaient de leurs réunions une occasion de festoyer où “chacun sans attendre, prend son propre repas et l’un a faim tandis que l’autre est ivre” ; le tout précédant le repas Eucharistique !
Pas mal pour de futurs “oints célestes” !
Erreur grossière de la part d’un “exégète” qui ne s’en aperçoit que trop tard, mais il ne se démonte pas pour autant : j’ai l’audace de traduire la Bible façon catholique (donc fausse) alors que c’est Dieu qui Seul détient la vérité et que sa parole est Sacrée (“sacrée” pour les témoins ça veut dire qu’il ne faut surtout pas contredire l’interprétation qu’ils en font).
Pour donner plus de poids à ses dires, il m’assène ce passage de l’Apocalypse comme la seule conclusion qui s’impose : “Je déclare moi, à quiconque écoute les paroles prophétiques de ce livre :
“Qui oserait y faire des surcharges, Dieu le chargera de tous les fléaux décrits dans ce livre...””.
Grossière pirouette qui n’explique rien mais qui ne vise qu’à clouer le bec de ceux qui deviennent décidément trop gênants par leur réflexion personnelle.
J’ai laissé tomber la question de l’Espérance céleste. J’aurais pu leur sortir encore ce passage de la première épître de St Pierre: “Mis à mort, le Christ a été vivifié selon l’esprit. C’est en lui qu’il s’en alla même prêcher aux esprits en prison, à ceux qui jadis avaient refusé de croire aux jours où Noé construisait l’arche...” Quand on pense que - toujours selon les théories de l’Organisation des Témoins de Jéhovah - les rebelles du temps de Noé ont été condamné par Dieu à la destruction (éternelle s’entend) pour leur vie dissolue... Les Témoins devraient peut-être se demander par quel heureux hasard Jésus a bien pu aller tenter de sauver leur âme au delà des frontières de la vie. Mais à trop leur assener de “vérités” à coup de versets bibliques, j’aurais fini par leur ressembler et c’est pour cette raison que je n’ai pas insisté.

Normalement un Témoin qui se trouve confronté à quelqu’un qui leur oppose trop de contradictions, se doit de clore la conversation sans insister et de battre poliment en retraite, afin d’éviter “toute polémique inutile” selon eux, mais qui vise surtout à les préserver de toute réflexion autre que la leur (réflexion qui pourrait comporter le danger de les faire réfléchir tout seuls) . Mais là, je crois l’avoir piqué au vif. Peut-être aussi qu’il en avait marre de se voir claquer des portes au nez et ma “conversation” s’est présentée pour lui comme une aubaine : en tous cas il semblait assez imbu de ses connaissances pour se sentir sûr de finir par m’en imposer : lui un homme “spirituellement mûr” contre une naïve petite catholique de 31 ans...
Il en a été pour ses frais. Il me faisait lire des versets bibliques, comme si déjà la lecture venait naturellement contredire tout ce en quoi je pouvais croire. Comme je persistais à ne pas avoir l’air de comprendre où il voulait en venir, il “m’expliquait” le passage en question. A chaque fois je répondais :
- “J’ai beau lire, je ne vois pas où vous voyez que Dieu veut dire ce que vous avancez... j’ai beau faire, votre interprétation n’est pas une preuve et pour moi ce verset veut dire tout autre chose. Il me suffit de le lire avec le regard d’un Dieu qui ne sait qu’Aimer et non tout prendre au pied de la lettre.”
- “Mais Madame, il n’y a rien à imaginer de ce que Dieu veut dire. Ce qu’il a dit il l’a dit “une bonne fois pour toutes” aux prophètes qui ont écrit la Bible. Pensez à un patron qui dicte une lettre à sa secrétaire... Elle ne va sûrement pas se permettre de changer quoique ce soit à ce qu’on lui ordonne d’écrire. Les prophètes c’est pareil ; Dieu a dicté, ils ont écrit, nous devons nous en tenir à cela : Dieu n’a qu’une Parole.”
A la fin mon exégète à commencer à se fâcher. Il m’a dit qu’il me trouvait bien prétentieuse de soutenir ma vision des choses quitte à mettre ma parole au-dessus de celle de Dieu. Il fallait que je prie beaucoup parce que je n’était pas loin du “blasphème”. Mais la cerise sur le gâteau a été ce qui a complètement mis fin à la conversation, lorsque, dans l’énervement il a fini par lâcher :
- “Vous savez Madame, ça fait 47 ans que je suis Témoin de Jéhovah, avant j’étais catholique... Alors si on était si bien que cela chez les catholiques....”
Là j’avoue que je n’ai pas résisté à la tentation :
“Et moi, Monsieur avant de devenir catholique, j’ai été élevée pendant 17 ans chez les Témoins de Jéhovah, alors si je m’y étais trouvée bien...”
Il m’a toisée de toute sa supériorité et avec un mépris qui n’était plus dissimulé du tout.
Avec sa femme ils ont remballé leurs affaires et ils sont partis ‘dignement’, m’assurant qu’ils avaient été ravis de discuter avec moi et qu’ils reviendraient.
Mais à ce jour je ne les ais jamais revus, ni eux, ni d’autres. Aucun doute que sur leur rapport il y a une adresse barrée en rouge où il est indiqué :
“A éviter - Doctrines dangereuses et subversives - Apostate”. ( suite page suivante )